Commentaire antigone jean anouilh

COMMENTAIRE ANTIGONE DE JEAN ANOUILH

Lorsque Jean Anouilh reprend en pleine Guerre Mondiale de 1944 l’Antigone vue et revue de Sophocle, il y rajoute la tragédie qu’il était lui-même entrain de subir à ce moment là. Cette nouvelle version ne pouvait alors être qu’un ouvrage quasi polémique ou les conflits entre les personnages étaient inévitables. Dans le texte que nous allons étudier, lavision du bonheur est une source de réflexion, de débat et de litiges. Ce même bonheur que l’auteur ne retrouve plus dans son quotidien ancré dans la guerre. Un ouvrage très personnel donc ou Jean Anouilh se livre à travers Antigone et Créon, comme tirailler entre deux visions extrêmes de la vie. Dans cette optique, nous allons analyser cet extrait sous deux axes. Evidement la vision du bonheur dansle texte et par la suite la tension inévitable que cela implique entre deux protagonistes complètements différents.

Dès la première lecture du texte, on peut observer un fait frappant dans la vision du bonheur d’Antigone, son entêtement. Celle-ci refuse la médiocrité avec violence et impose ses idées à la limite du l’utopie. Alors qu’au début du dialogue Créon explique avec douceur etpédagogie que le bonheur est, pour lui mais aussi en règle générale fait de petites choses, Antigone semble un instant réfléchir, elle « murmure » puis se braque en refusant catégoriquement la vérité de Créon. Dès la ligne 24, elle commence une petite série de questions rhétoriques visant à ridiculiser les arguments de Créon et se lance ensuite dans une explication fougueuse. Pour elle, l’amour avec Hémondoit par exemple être éternellement passion. En effet, elle déclare aimer « un Hémon dur et jeune […] exigeant et fidèle, comme moi » ligne 40/41, or si « votre vie, votre bonheur doivent passer sur lui avec leur usure […] alors je n’aime plus Hémon !» ligne 50. Ici, on voit nettement l’exigence incorruptible d’Antigone face à l’amour, au bonheur. Puis, plus tard dans le texte, elle assumeraclairement ses opinions face aux idées « minimalistes » de Créon. La jeune femme ira jusqu’à comparer son oncle, Créon, et ses partisans à « des chiens qui lèchent tout ce qu’ils trouvent » ligne 72/73 et à déclarer « Vous me dégoutez » ligne 71. Antigone provoque, Antigone insulte par convictions devant un Créon « impuissant » ligne 59. Enfin, à la fin du texte elle s’emballe et frôle l’incorrection.Dans un premier temps, elle se moque « Je ne veux pas être modeste, moi, me contenter d’un petit morceau si j’ai été bien sage » puis menace même dans un élan de quasi-folie de « mourir » ligne 82 si elle n’atteint pas le nirvana qu’elle vise. Alors qu’Antigone se damne pour défendre ses idées, Créon fait quand à lui pâle figure devant cette remise en question du bonheur…
Devant les argumentsutopiques mais séduisants d’Antigone, Créon à du mal à faire entendre ses idées. On peut penser que sa vision très « limitée » du bonheur est une façon pour lui de se rassurer, de se dire qu’à son âge, il a tout de même connu le bonheur. On comprend son angoisse devant l’exaltation soudaine de sa nièce qui refuse formellement la solution de facilité qu’il s’était créé. En effet, pour lui, pour luile bonheur et la vie sont « une petite chose dure et simple qu’on grignote, assis au soleil » (ligne 7/8), du moins c’est ce dont il essaye de se convaincre. Or, Antigone « l’agresse » avec des raisonnements qui l’inquiètent. D’ailleurs il n’arrive pas à se faire entendre et à trouver les mots pour calmer une Antigone en furie. Il usera alors sans succès d’ordres répétitifs : « Tais-toi » ligne32, « Tais-toi », encore, ligne 52, « Te tairas-tu enfin ? » ligne 63. Il essayera pourtant ligne 39 un changement de stratégie pour se retournera contre lui, un changement de sujet pour clore le débat, « Tu aimes Hémon ? ». Antigone, pleine de répondant sauras utiliser cette ruse à ses fins, tentative ratée pour Créon. Alors que le ton monte, Antigone l’attaque sur son propre terrain en…