Critique : le 20 novembre

Le 20 novembre 2006, Sebastian Bosse alors âgé de 18 ans pénétrait dans son ancienne école pour y faire feu sur les élèves et les professeurs avant de retourner l’arme contre lui. Inspiré par cefait divers, Lars Noren écrit un monologue où la voix prêtée à cet homme révèle l’insoutenable mal-être de vivre qui l’habite dans un mélange de désespoir, de lucidité, de haine et de fragilité. Les 72minutes précédant la fusillade deviennent alors le théâtre de la comparution d’un système social cruel pour ceux qui n’y cadre pas, où personne n’est innocent, pas même le spectateur. La metteure enscène Brigitte Haentjen fait entendre ce monologue poignant par la voix de Christian Lapointe.
Quand le spectateur entre dans la salle, le comédien est déjà là, sur le plancher, car il n’y a pas descène surélevée ni de rideau ou de murs séparant l’aire de jeu des gradins. L’acteur s’y trouve démasqué sur cette scène peu profonde, écrasé contre le mur gris du fond par les spectateurs surélevéset le plafond déclinant. Le décor est minimal. L’éclairage au néon et les bruits d’une bâtisse ordinaire refusent d’orner le jeu d’acteur. Ici, la lucidité offerte par l’audacieuse mise en scènerend une cohérence parfaite entre le monologue et le geste, sans détour rocambolesque et sans raccourci simpliste. Le discours est sans artifice. Le geste, parfois furtif, parfois passif, n’échappe enrien au public. Mais ce regard vide du protagoniste qui, dès le premier pas du spectateur dans la salle, détache le jeu théâtral des conventions, critique sans pitié l’inaction du spectateur, sa soifde consommation de tragédies qui lui a fait payer le prix d’un siège, et installe un profond malaise qui durera jusqu’à la fin. Personne n’est innocent dans ce regard accusateur. Le spectateur estcoupable tout comme le protagoniste dans cette pièce de théâtre.
Plutôt que de chercher les origines de ce fait divers, Lars Noren a écrit un monologue qui soulève de nombreuses questions sur notre…