Culture generale

Démocratie, bonne gouvernance et développement
Par Jean-Claude REDJEME Université de Ouagadougou (Burkina Faso) [email protected] Depuis 1980, l’Afrique connaît une crise économique sans précédent, caractérisée par : • la baisse du taux de croissance annuel du PIB ; • la régression continue du volume des exportations ; • l’évolution de l’endettement extérieur ; • le passage de certains paysclassés parmi ceux à revenu moyen dans la catégorie des pays à bas revenus ; • l’augmentation du nombre des pays les moins avancés(PMA) ou pays pauvres très endettés(PPTE). C’est dans ce contexte de crise aiguë qu’un fameux « vent de démocratisation » va souffler sur le continent, dans les années 1990.Quel est alors le contenu de la « démocratie nouvelle » sponsorisée par l’Occident en Afrique etailleurs? Peut-on parler de bonne gouvernance et de développement dans une société ou il n’y a pas de véritable démocratie ? Le drame aujourd’hui en Afrique est que les populations sont exclues du processus de croissance dans la mesure ou sans avoir partagé les bénéfices des périodes de vaches grasses, elles portent presque exclusivement le poids de la crise .C’est donc dans un climat de misèregénéralisée qui croît et s’enracine que les peuples africains sont parfois appelés à voter leurs responsables. Plongés dans l’ignorance et traqués par la faim et la maladie, ils vendent leur voix ,c’est-à-dire leur destin, au plus offrant. Aujourd’hui , partout en Afrique , l’on parle d’élections libres et démocratiques .Mais la réalité est plutôt le libre achat de conscience .Ce constat nous amène àdire que ces processus démocratiques sur fond de crise économique ressemble de plus en plus à une thérapeutique faussement appliquée sur un mal faussement diagnostiqué. En effet ,la démocratie préconisée par les occidentaux passe virtuellement sous silence les questions de la justice sociale et économique ; elle apparaît comme une formule à peine voilée de la période post-guerre froide pour lesintérêts économiques et stratégiques de l’Occident. Celui-ci, avec moins d’un milliard d’habitants, représente 15°/° de la population mondiale ;cependant il a la mainmise sur 85°/° de cette population. Cette entreprise néo-impérialiste ( qui se dissimule aujourd’hui sous le concept de mondialisation) est beaucoup plus marquée en Afrique .Elle se manifeste à travers les institutions financièresinternationales :le Fonds monétaire international et la Banque mondiale. Celles-ci ont imposé des Programmes d’ajustement structurel(PAS) à 39 pays africains au moins. Ces PAS ont été prescrits comme des remèdes miracles pour tous les maux ,sans tenir compte des spécificités des malades et des maladies. Les résultats ont été médiocres sinon désastreux :la croissance n’a cessé de régresser, les équilibresfinanciers sont restés fragiles, les mouvements de capitaux se font au détriment de l’Afrique, le secteur privé local reste minable, le chômage et la pauvreté se sont amplifiés, le taux de scolarisation a baissé et la mortalité infantile a augmenté, l’Etat étant soumis à une discipline budgétaire de remboursement de la dette. En d’autres termes les Etats africains se retrouvent devant un dilemme:comment satisfaire les attentes des populations et celles des institutions financières en même temps ? Dans la mesure où les principales forces qui contrôlent les économies africaines sont extérieures à l’Afrique, le jeu démocratique apparaît simplement comme un réponse partielle aux aspirations des peuples en vue d’apaiser les tensions et continuer le processus d’exploitation capitaliste etparachever l’intégration à l’économie mondiale. Dans cette perspective, les transitions démocratiques ont été confiées à une nouvelle classe dirigeante constituée essentiellement de « technocrates » qui sont en fait des anciens collaborateurs des institutions financières internationales. Il va de soi que, contrairement à leurs devanciers, ces

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technocrates seront plus pro-occidentaux que…