La nouvelle face au roman
Le roman et la nouvelle sont deux genres narratifs majeurs.
La nouvelle littéraire comporte plusieurs caractéristiques. Il s’agit d’abord d’un texte court, qui se situe généralement entre cinq et cinquante pages. C’est une histoire souvent réaliste qui est centrée sur un événement comportant peu de personnages principaux. La plupart des nouvelles littéraires ontun dénouement inattendu. Des auteurs comme Guy de Maupassant se sont particulièrement intéressés à ce genre littéraire.
Une des façons rapides d’expliquer ce qu’est une nouvelle consiste à rappeler le nom qu’elle porte en anglais: short story, «histoire courte»; la nouvelle se distinguerait donc d’abord par sa brièveté. Mais qu’est-ce qu’une histoire courte? Eh bien, on peut sans doute dire quesi le roman compte normalement plus de 150 pages, la nouvelle, quant à elle, en compte d’habitude moins qu’une cinquantaine. Entre ces deux points de repère existe une zone d’incertitude où l’on trouve de longues nouvelles et de courts romans, des textes parfois inclassables qui ne perdent pas pour autant de leur valeur. L’important consiste à bien comprendre que la longueur d’une œuvre n’estjamais un critère absolu de classification, mais seulement un indice, un guide.
Parce qu’elle est brève plus souvent qu’autrement, la nouvelle ne se concentre que sur un seul événement et ne dévoile qu’une courte période de la vie des personnages; en ce sens, elle se rapproche de la nouvelle des journalistes, mais le rapprochement ne va pas plus loin car, en littérature, la nouvelle est une œuvrede fiction, qu’elle soit ou non inspirée d’un fait vécu, tandis qu’en journalisme elle se doit d’être le reflet de la réalité. Parmi les définitions officielles qui figurent dans les ouvrages de référence, celle du Vocabulaire des études littéraires, de Hachette, mérite d’être retenue: «récit centré en général autour d’un seul événement dont il étudie les répercussions psychologiques; personnagespeu nombreux, qui, à la différence du conte, ne sont pas des symboles ou des êtres irréels, mais possèdent une réalité psychologique: cependant, à la différence du roman, leur psychologie n’est pas étudiée tout entière, mais simplement sous un aspect fragmentaire. La nouvelle cherche à produire une impression de vie réelle.»
L’étude des répercussions psychologiques apparaît comme unecaractéristique importante de la nouvelle. Que l’on ait affaire à une nouvelle fantastique, réaliste, policière ou de science-fiction, les états d’âme du personnage principal, ses hésitations, ses réflexions, occupent toujours une large part du récit. L’événement extérieur n’est souvent que le prétexte à la nouvelle, l’élément déclencheur qui permet le déploiement des réactions des personnages, réactionsauxquelles s’attarde le nouvelliste, souvent pour faire ressortir la profondeur et la complexité de l’esprit humain. Sans cette facette psychologique, la nouvelle n’est plus qu’un «récit bref».
Plusieurs auteurs et théoriciens insistent pour dire qu’une nouvelle bien conçue doit se terminer par un événement inattendu, un point fort dans la narration, un «coup de fouet» soudain, qui serait laraison d’être même de la nouvelle. Selon cette perspective, toute la narration doit converger vers ce dénouement surprise, comme si l’ensemble du texte ne servait que d’accessoire au dévoilement final. On notera que la définition du petit dictionnaire spécialisé de Hachette que j’ai citée plus haut ne fait pas mention de cette caractéristique de la nouvelle. Sage décision. En effet, bien que beaucoupde nouvelles soient construites de manière à déboucher ainsi sur une brusque relance de l’intrigue juste au moment de se terminer, et j’en ai moi-même écrit plusieurs suivant ce modèle, rien n’empêche d’adopter un autre modèle où la conclusion n’a pas plus d’importance que le reste du récit, où toutes les parties du texte ont le même poids. Mais si l’on choisi de construire une nouvelle au…