Théophile Gautier
treizième édition, 1879
La Toison d’or
(1879)
Un document généreusement offert par la société Théophile Gautier http://www.llsh.univ-savoie.fr/gautier/
Cette transcription a été réalisée par Claudine Lacoste ; elle reproduit le texte de l’édition des Nouvelles, publiée chez Charpentier (treizième édition, 1879).
Un document produit en version numérique par Jean-MarieTremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Courriel: [email protected] Site web: http://pages.infinit.net/sociojmt
Dans le cadre de la collection: « Les classiques des sciences sociales » Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l’Universitédu Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm
Théophile Gautier – La toison d’or (treizième édition, 1879)
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Cette édition électronique a été réalisée par la Société Théophile Gautier (http://www.llsh.univ-savoie.fr/gautier/) mis en page par Frederick Diot, sous la direction de JeanMarie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep deChicoutimi à partir de :
Théophile Gautier (1879)
La Toison d’Or
treizième édition, 1879
Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times, 12 points.
Édition électronique réalisée avec le traitement de textes libre OpenOffice.org 1.1 sous Linux Debian. Édition complétée le 10 Fevrier 2004 à Bordeaux , France
Théophile Gautier – La toison d’or (treizième édition, 1879)
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LA TOISON D’OR
CHAPITREPREMIER
Tiburce était réellement un jeune homme fort singulier ; sa bizarrerie avait surtout l’avantage de n’être pas affectée, il ne la quittait pas comme son chapeau et ses gants en rentrant chez lui : il était original entre quatre murs, sans spectateurs, pour lui tout seul. N’allez pas croire, je vous prie, que Tiburce fût ridicule, et qu’il eût une de ces manies agressives, insupportables àtout le monde ; il ne mangeait pas d’araignées, ne jouait d’aucun instrument et ne lisait de vers à personne ; c’était un garçon posé, tranquille, parlant peu, écoutant moins, et dont l’œil à demi ouvert semblait regarder en dedans. Il vivait accroupi sur le coin d’un divan, étayé de chaque côté par une pile de coussins, s’inquiétant aussi peu des affaires du temps que de ce qui se passe dans lalune. — Il y avait très peu de substantifs qui fissent de l’effet sur lui, et jamais personne ne fut moins sensible aux grands mots. Il ne tenait en aucune façon à ses droits politiques et pensait que le peuple est toujours libre au cabaret. Ses idées sur toutes choses étaient fort simples : il aimait mieux ne rien faire que de travailler ; il préférait le bon vin à la piquette, et une belle femmeà une laide ; en histoire naturelle, il avait une classification on ne peut plus succincte : ce qui se mange et ce qui ne se mange pas. — Il était d’ailleurs parfaitement détaché de toute chose humaine, et tellement raisonnable qu’il paraissait fou. Il n’avait pas le moindre amour-propre ; il ne se croyait pas le pivot de la création, et comprenait fort bien que la terre pouvait tourner sansqu’il s’en mêlât ; il ne s’estimait pas beaucoup plus que l’acarus du fromage ou les anguilles du vinaigre ; en face de l’éternité et de l’infini, il ne se sentait pas le courage d’être vaniteux ; ayant quelquefois regardé par le microscope et le télescope, il ne s’exagérait pas l’importance humaine ; sa taille était de cinq pieds quatre pouces, mais il se disait que les habitants du soleil pouvaientbien avoir huit cents lieues de haut. Tel était notre ami Tiburce. On aurait tort de croire, d’après ceci, que Tiburce fût dénué de passions. Sous les cendres de cette tranquillité, couvait plus d’un tison ardent. Pourtant on ne lui connaissait pas de maîtresse en titre, et il se montrait peu galant envers les femmes. Tiburce, comme presque tous les jeunes gens d’aujourd’hui, sans être…