Les vanités

Genre particulier de nature morte à implication philosophique et dans laquelle des objets représentatifs des richesses de la nature et des activités humaines sont juxtaposés à des éléments évocateurs du triomphe de la Mort.
Le genre se constitua dans un foyer intellectuel de la Hollande, à Leyde, v. 1620 ; il se développa surtout en France et en Flandre, essentiellement au XVIIe s.
Leséléments du répertoire sont de 3 ordres : objets évoquant la vie terrestre, contemplative (sciences, lettres et arts) ou voluptueuse, le plaisir (les 5 sens), la richesse (argent), la puissance (armes) ; objets évoquant la brièveté de la vie par la fuite du temps (sabliers et horloges), la destruction de la matière (fleurs perdant leurs pétales, fruits abîmés, pierres lézardées) ; inscriptions dans letableau :  » Vanitas vanitatis et omnia vanitas « , ou une formule analogue.
L’origine iconographique est le thème de saint Jérôme dans sa cellule : autour de lui, les livres et la bougie sont les symboles de spéculations intellectuelles, et le crâne et le sablier rappellent que l’homme de chair n’est rien en face du temps. Un original perdu de Van Eyck (dont le Saint Jérôme de l’Inst. of Arts deDetroit pourrait être une variante) serait peut-être à l’origine du Saint Jérôme de Colantonio (Naples, Capodimonte), sujet interprété plus tard par Antonello de Messine, par Carpaccio et par Lorenzo Lotto. Le thème est traité d’une manière plus matérialiste dans le Saint Éloide Petrus Christus (Metropolitan Museum, coll. Lehman), plus profane dans les Banquiers de Quentin Metsys (1510, Louvre),reflet d’une nouvelle classe montante, plus satirique dans les changeurs sataniques aux mains rapaces de Marinus Van Reymerswaele.
Le genre lui-même est issu d’une double filiation : d’une part, les cercles humanistes italiens du XVe et du XVIe s., qui ont donné dans leurs marqueteries une expression plastique indépendante à des attributs épiscopaux (Crânes, crosses et livres par Fra Vicenzo daVerona, 1520-1523, Louvre), et, d’autre part, l’atmosphère intellectuelle et religieuse de Leyde, bastion calviniste, où l’on condamne tout ce qui appartient au monde. L’influence du théologien réformé Rivet, professeur de 1620 à 1632 à Leyde, est attestée sur des peintres comme D. Bailly ; Leyde est aussi un centre d’études philosophiques, emblématiques et anatomiques.
Ailleurs, la ferveurreligieuse de la Contre-Réforme a été favorable à l’extension d’un genre qui peut soutenir les méditations sur la mort. La réflexion sur la vanité des choses de ce monde est une constante de la pensée humaine, mais on peut en jalonner les étapes à partir de la représentation de la tête de mort. Citons quelques exemples : mosaïque de Pompéi (Ier s. av. J.-C., Naples, M. N. : tête de mort surmontéed’un niveau), revers d’un volet du Triptyque Braque, de Rogier Van der Weyden (1450, Louvre), revers d’un volet du Diptyque Carondelet, par J. Gossaert (1517, id.), tableau de Bartholomäus Bruyn l’Ancien (revers du Portrait de Jane-Loyse von Nettesheim, 1524, Otterlo, Kröller-Müller), Vanitéseffrayantes de Jacopo Ligozzi (au revers de Portraits datés de 1604 dans la coll. Aberconway à Bodnant) etla citation du crâne peint par Jacob de Gheyn au dire de Van Mander. Une Vanitas de J. de Gheyn (1603) est conservée dans une coll. part. de Stockholm. Or, J. de Gheyn fut le maître de Bailly, auteur d’une Vanité.
Un dessin à la plume (Bibl. royale de La Haye), daté de 1624, est considéré comme l’incunable de laVanité : sablier, crâne, pipe de Gouda (en terre), encore fumante.
À partir dudeuxième quart du XVIIe s., le genre est bien constitué : David Bailly peindra en 1651 une composition réunissant son portrait et une Vanité (musée de Leyde) ; il est en relation avec les frères Harmen et Pieter Steenwyck, qui fixent le style : monochromie, éclairage en biais, désordre complexe de livres, pipes, vaisselle et crâne, selon un schéma de composition diagonale (exemples au musée de…