Philosophie politique

La démocratie moderne et ses problèmes

La philosophie politique, au cours de son histoire a eu pour tâche essentielle de réfléchir à la question du meilleur régime à toutes les époques où la légitimité de l’ordre traditionnel s’est trouvé ébranlé. La démocratie est aujourd’hui considérée comme le meilleur régime : son avènement s’apparente pour nous à la fin de l’histoire (cf. Fukuyama). Nousallons voir dans un premier temps, en prenant pour point de départ quelques grandes typologie des régimes politiques, que la démocratie n’est apparue comme un idéal que récemment dans l’histoire. Nous définirons ensuite le sens de l’expression « démocratie libérale » qui permet de désigner la démocratie moderne par opposition à la démocratie antique. Enfin nous verrons que la démocratiecontemporaine est confrontée à des problèmes susceptibles de faire apparaître le sentiment de la fin de l’histoire comme illusoire.

1. Les typologies des régimes politiques

Pour situer la démocratie et son rapport à l’idéal de la raison tel que la philosophie politique s’efforce de mettre en évidence, il est intéressant de voir comment les philosophes ont conçu la typologie des régimes aux étapesclefs de l’histoire de la philosophie politique.

1.1. La typologie d’Aristote (Les Anciens)
Aristote a conçu une typologie des régimes politiques adaptée au cadre de la cité antique ; il distinguait trois types de régimes politiques en fonction du mode de répartition des fonctions politiques : la monarchie, l’aristocratie, la démocratie. Le critère de différentiation était constitué par laquestion : qui gouverne ? Un seul, plusieurs ou quelques-uns. En fait la typologie d’Aristote n’avait pas simplement une portée descriptive mais aussi et surtout normative : elle s’inscrivait dans la perspective d’une recherche du meilleur régime dans le cadre du droit naturel. Il distinguait ainsi deux typologies : celle des régimes conformes à la nature (monarchie, aristocratie et république) et celledes régimes pervertis (tyrannie, oligarchie et démocratie). Le meilleur régime est en fait celui qui permet le gouvernement de la raison, le règne de la loi, par l’intermédiaire du plus sage (monarchie), des meilleurs (aristocrates) ou du plus grand nombre dans le cadre d’un régime mixte (« politeia » ou république).

L’objet de la recherche du meilleur régime est celle du mode de répartitiondes fonctions et des honneurs politiques : qui doit gouverner pour que le tout soit ordonné et que la cité soit heureuse ? Tous n’ont pas vocation à participer aux fonctions politiques. Le meilleur régime doit tenir compte de l’inégalité des capacités, d’une hiérarchie naturelle bafouée par la démocratie. Tous les régimes pervertis sont fondés sur l’injustice, caractérisé par « le désir d’avoirplus que sa part ». La démocratie est une perversion du fait qu’elle repose sur le principe illusoire d’une égalité en tous points de tous les citoyens : elle se fonde sur le déni de l’inégalité des capacités. C’est pourquoi la procédure démocratique par excellence de désignation des gouvernants est le tirage au sort : chaque citoyen a ainsi une égale probabilité d’accéder aux fonctions politiques.L’élection apparaît par contraste comme un procédé aristocratique puisqu’il vise à sélectionner les meilleurs.

La problématique du régime mixte répondait à un problème : comment faire tenir ensemble les composantes de la cité de manière à ce qu’elle constitue une totalité ordonnée et harmonieuse ? Il faut que chacune des composantes reçoive sa part d’honneurs et de participation aux fonctionspolitiques – la part qui convienne en fonction de la hiérarchie naturelle. En pratique, il s’agissait de régler le conflit opposant les défenseurs des privilèges aristocratiques aux partisans de la démocratie dans le cadre de la cité antique. La conception du régime mixte propose de combiner les mécanismes de désignation des gouvernants en vigueur dans les cités : le tirage au sort, l’élection et…