Quelles formes d’espace pour le spectacle vivant, variation autour de « l’espace vide » de peter brook

Introduction
Le théâtre aujourd’hui mélange diverses formes artistiques. Les arts dramatiques rencontrent les cultures urbaines ; des saltimbanques, des jongleurs travaillent avec des comédiens ; des conteurs, des musiciens interviennent dans les spectacles ; des rappeurs collaborent avec des chorégraphes. De nombreuses troupes de théâtres utilisent des friches, des espaces intermédiaires,interstitiels, possibles, improbables, alternatifs, ouverts voire transculturels ou pluridisciplinaires comme la ferme du Bonheur, la Gare au théâtre, la Friche A. Malraux, le Totem à Nancy. Les initiateurs de spectacles ne cherchent pas forcément un équipement, performant sur le plan technique et technologique, ils aspirent plutôt à l’acquisition d’un abri. Ils préfèrent s’exporter hors des édificesinstitutionnels ; des gymnases, des granges, des salles polyvalentes, des hangars, des friches industrielles comme la Belle-de-Mai à Marseille, la Laiterie à Strasbourg, le TNT à Bordeaux, le « 94 » à Paris deviennent des laboratoires pour la création. Que ce soit pour des projets, des expériences, des aventures, des démarches ou des expérimentations, ces troupes de théâtres développent desspectacles qui échappent aux classements des institutions. Pourtant si le théâtre est l’art de la représentation d’une action dramatique, qu’elle soit parlée, mimée, contée, dansée, alors tous font du théâtre1. Et si, le théâtre désigne le lieu de la représentation dramatique, alors tous ces lieux sont des théâtres. Ainsi, l’architecte qui souhaite construire un théâtre aujourd’hui ou un espace pour cequ’on appelle plus généralement le spectacle vivant, se heurte à un problème inhérent à son objet : la vision des gens du spectacle et celles des architectes est souvent contradictoire aussi bien sur le plan des espaces que sur celui du temps2. L’architecture s’inscrit dans la durée, les spectacles vivants sont des arts de l’éphémère. Les architectes dessinent des édifices ; les metteurs en scènesdisent : « Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre l’observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé. »3

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« D’abord, qu’est-ce qu’un lieu théâtral ? La réponse à cette question paraît simple : c’est le lieu d’une action, d’un événement représentté par des hommes à d’autres hommes,que cette action soit mimée, parlée, ou dansée. C’est un lieu de représentation, mais aussi de rassemblement … » Denis Bablet, la remise en question du lieu théâtral au Xxéme siècle, Le lieu théâtral dans la société moderne. 2d. CNRS, 1963. 2 « Construire une salle de spectacle, c’est toujours construire un paradoxe. C’est inscrire dans la matérialité d’un lieu, un temps bref, intense, dynamiquesignifiante » écrit Marie Christine Loriers dans Technique et architecture, « Le théâtre est un art de l’éphémère, il n’installe son espace que le temps de la représentation », il « est écrit sur le sable » (Peter Brook), il n’est pas un lieu mais un acte, « alors que l’architecture établit une permanence » nous dit Gaël Breton dans Théâtre. 3 Peter Brook, « l’espace vide »

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La notiond’espace vide apparaît significative pour l’architecture d’un théâtre. Qu’est-ce que cet espace vide ? Quelle espèce d’espace est-ce ? C’est peut-être, l’idéal de l’espace vide décrit par Fritz Neumeyer dans « Mies Van der Rohe, Réflexions sur l’art de bâtir » ou l’espace vide des entretiens de la Villette entre Jean Baudrillard philosophe et Jean nouvel « Les objets singuliers, architecture et philosophie», un espace radical (un vide dont la limite intègre le vide, une dématérialisation de la limite qui fait basculer le percept dans l’affect, un espace de déstabilisation) ou un espace pour l’inspiration de L.I. Khan, ou un espace de l’entre-deux et du non-lieu, le « junkspace » de Rem Koolhaas. C’est surtout, L’espace vide de Peter Brook, le cadre naturel d’une action dramatique, la recherche…