Commentaire candide chapitre 18

Voltaire, philosophe des Lumières trouve tout naturellement cette forme d’apologue lorsque dans Candide, en 1759, il veut nous faire entendre une critique de son temps et particulièrement des méfaits de la colonisation européenne dans le Nouveau Monde. Ainsi est né « Eldorado », pays idéal éloigné des tourments de la vieille Europe. Le chapitre XVIII du conte philosophique raconte la découverteque font Candide et son valet de ce pays étrange. En quoi l’Eldorado est-il un pays utopique ?
I- L’utopie
Ce sont d’abord les éléments du décor qui surprennent. Ainsi « la porte n’était que d’argent », « les lambris des appartements n’étaient que d’or », « l’antichambre n’était… que de rubis et d’émeraudes » ; le contraste est saisissant entre la tournure restrictive « ne… que » et les matériauxprécieux évoqués : tout se passe comme si le peuple d’Eldorado ne faisait aucun cas de cette débauche de luxe renforcée par les parallélismes de construction et par la répétition. L’opulence naît de cette richesse considérée comme modeste. Voltaire insiste sur ce décalage en répétant qu’il s’agit d’un lieu modeste : « une maison fort simple, cette extrême simplicité ». La naïveté de Candide et ledétachement des autochtones permet cette description paradoxale de laquelle s’impose d’emblée la dimension imaginaire du lieu.

L’exotisme du lieu confirme son caractère pittoresque et l’abondance qui y règne. Ainsi, ce « sofa matelassé de plumes de colibri » ne manque pas d’étonner l’européen qui lit Voltaire surtout s’il connaît l’autre nom du volatile appelé en effet « oiseau-mouche » enraison de sa petite taille. Outre l’exotisme de l’oiseau lui-même, sa petitesse laisse imaginer le nombre d’individus qui a pu servir à la réalisation d’un sofa ! Invraisemblance encore qui participe au pittoresque tout en confirmant la richesse du pays.

Voltaire, soucieux du pittoresque, ancre néanmoins celui-ci dans une réalité géographique que les voyages en Amérique aux XVI° et XVII° sièclesn’ont cessé de colorer des mythes les plus merveilleux. C’est le cas du « Pérou » et de la civilisation disparue des « Incas », deux références que Voltaire ne manque pas d’insérer dans le discours du vieillard. Il se sert d’un mythe connu en Europe pour servir son utopie et séduire un lectorat très friand d’exotisme. L’opulence supposée de la civilisation inca sert tout naturellement le propos del’apologue.

Cette opulence ne semble cependant pas tourner la tête aux habitants d’Eldorado qui gardent un détachement surprenant devant toute cette richesse. Outre la « simplicité » déjà évoquée, on note le peu de cas que font les autochtones de ces richesses. Plus précisément, il semble que des critères esthétiques plus que mercantiles président à l’arrangement du décor. Il est question de « goût», d’ « ordre » plus que de valeur intrinsèque des matériaux utilisés. Notons encore les verbes « travaillés » et « arrangé » qui soulignent le travail accompli plutôt que la richesse déployée.

Le vieillard dont les paroles nous sont rapportées au discours direct confirme cette distance, voire cette indifférence, pour les pierres précieuses : ne désigne-t-il pas ces dernières sous le termegénérique de « cailloux », terme dévalorisant pour l’européen mais conforme à la réalité dans un pays ou l’argent ne semble pas au cœur des préoccupations ! Après tout, la valeur marchande des minerais revêt un caractère arbitraire que Montaigne déjà soulignait dans Des cannibales lorsqu’il justifiait la préférence (sans doute pour des critères esthétiques) des indiens du Nouveau Monde pour un collierde verre multicolore plutôt que pour l’or.

Tout est là pour faire rêver le lecteur et lui faire croire, conformément au principe de l’utopie, que cette cité, où la vie semble se dérouler dans l’abondance et l’harmonie, est idéale et enviable. Mais ce bien-être a un prix que Voltaire ne manque pas de rappeler à ses lecteurs.

II- Le message de l’utopie

L’utopie se doit en effet de…