Developpement

Éclairage

La mondialisation entraîne-t-elle de nouvelles (in)égalités?
L’économie mondiale connaît une période prolongée de croissance, et les perspectives restent favorables. Avec une augmentation annuelle de 2,1% durant la période 1980–2005, le revenu moyen par habitant des pays en développement converge modestement – mais c’est une réalité historique – vers celui des pays riches1. Cettetendance va se poursuivre et les économies émergentes contribueront de plus en plus à la croissance mondiale. Autrefois considérés comme à la périphérie de l’économie globale, de nombreux pays en développement deviendront des acteurs et partenaires économiques incontournables. Il n’en demeure pas moins que des pays ou des groupes sociaux restent exclus ou à la traîne.
La mondialisation a bouleversél’ancien «ordre économique». La libéralisation des échanges, le transfert accéléré des innovations technologiques et les flux d’investissements directs ont contribué à cette transformation. Ils ont permis de valoriser et de faire fructifier les efforts engagés par les pays en développement eux-mêmes, pour maintenir la stabilité macroéconomique et encourager l’initiative et l’investissementprivés. Les résultats sont substantiels; outre les progrès considérables enregistrés par la Chine et l’Inde, plus de vingt pays en développement ont connu une croissance annuelle moyenne supérieure à 6% durant la période 2000–2005. Ce qui était autrefois considéré comme le «miracle» de la seule Asie de l’Est est également devenu réalité en Afrique et en Amérique latine. La mondialisation s’accompagned’une amélioration sans précédent des conditions de vie, sauf pour certains pays ou groupes sociaux2.
Les subventions agricoles des pays de l’OCDE créent sur certains produits – tels le coton ou le sucre – une barrière souvent infranchissable et totalement inéquitable pour les exportations des pays pauvres. En illustration: récolte de coton en Syrie. Photo: Keystone

Une évolution différenciée selonles régions et pays
Des millions de personnes ont bénéficié de la forte croissance économique de ces dernières années. À l’échelle mondiale, la proportion des pauvres3 est passée de 40% en 1980 à 29% en 1990 et 18% en 2005; en valeur absolue, si on tient compte de la croissance démographique, la réduction est encore d’un tiers: ce qui est également significatif. Toutefois, plus d’un milliard depersonnes vivent encore endessous du seuil de pauvreté. La géographie de la pauvreté a elle aussi beaucoup changé. Alors que l’extrême pauvreté frappait 58% de la population de l’Asie du Sud et de l’Est en 1980, cette proportion est maintenant estimée à 15%. Par contraste,

1 En valeur absolue, l’écart reste, néanmoins, très substantiel, avec un revenu moyen par habitant dans les pays endéveloppement estimé à 16% de celui des pays à revenu élevé. 2 Pour référence, voir deux récentes publications de la Banque mondiale: The World Development Report 2006. Equity and Development (résumé en français sous le titre Rapport sur le développement dans le monde 2006. Équité et développement); The Global Economic Prospects 2007. Managing the Next Wave of Globalization. 3 Disposant d’un revenuinferieur à 1 USD par jour.

Michel Mordasini Executive Director, Groupe de la Banque mondiale, Washington D.C.

50 La Vie économique Revue de politique économique 9-2007

Éclairage

l’Afrique subsaharienne n’a guère progressé et 45% de la population dispose de moins de 1 USD par jour; un tiers des pauvres vivent aujourd’hui sur le continent africain. Les situations de conflit affectentlourdement une trentaine de pays pauvres (500 millions d’habitants) dont la majorité se situent en Afrique. L’ampleur et la durée des conflits génèrent paupérisation et marginalisation. Pour les autres pays, l’impact de la mondialisation est aussi différencié, selon les choix et les capacités de mise en œuvre des réformes économiques et sociales. Les pays les plus engagés et les plus rigoureux ont…