L’art contemporain

Nuit seconde
Névralgie

I

Jusques à mon chevet me poursuit mon idée
Fixe : toutes les nuits j’en ai l’âme obsédée.
Pour noyer au sommeil ce démon flétrissant,
Des sucs de l’opium le charme est impuissant.
Au seuil de mon oreille, une voix sourde et basse
Comme l’essoufflement d’un homme qui trépasse
Murmure : Pauvre fou ! sois d’airain désormais.
Elle ne t’aimera jamais – jamais -jamais !…
Alors, tout frissonnant, je saute de ma couche ;
Autour de moi je plonge un long regard farouche ;
Et je vais saccadant mes pas… et dans mon sein
Le terrible jamais vibre comme un tocsin !
Et puis, d’un vent de feu l’haleine corrosive
Vient courber, torturer mon âme convulsive
Et je me persuade en mon fébrile émoi,
Que, dans l’alcôve, on parle, on rit tout bas de moi !…

IICe vertige à la fin tombe… et je sens mon être
S’anéantir : – j’ai froid – et, devant ma fenêtre,
Je vais m’asseoir ; le plomb d’un stupide repos
Emmantèle mes sens : à travers les carreaux,
D’un oeil horriblement tranquille, je contemple
La lune qui, juchée au faîte du saint temple,
Semble, sous le bandeau de sa rousse clarté,
Le spectre d’une nonne au voile ensanglanté.

III

Oh! si, comme une fée amante de la brise,
La MORT sur un nuage avec mollesse assise,
Descendant jusqu’à moi du haut de l’horizon,
Venait pour piédestal élire ce balcon !…
Mon oeil s’arrêterait ardent sur son oeil vide,
Je l’emprisonnerais dans une étreinte avide,
Et, le sang tout en feu, j’oserais apposer
Sur sa bouche de glace un délicat baiser !

Pilothée O’neddy

Jacques Brel
Ne mequitte pas
Il faut oublier
Tout peut s’oublier
Qui s’enfuit déjà
Oublier le temps
Des malentendus
Et le temps perdu
A savoir comment
Oublier ces heures
Qui tuaient parfois
A coups de pourquoi
Le cœur du bonheur
Refrain
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

Moi je t’offrirai
Des perles de pluie
Venues de pays
Où il ne pleut pas
Je creuserai laterre
Jusqu’après ma mort
Pour couvrir ton corps
D’or et de lumière
Je ferai un domaine
Où l’amour sera roi
Où l’amour sera loi
Où tu seras reine

Refrain
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

Ne me quitte pas
Je t’inventerai
Des mots insensés
Que tu comprendras
Je te parlerai
De ces amants-là
Qui ont vu deux fois
Leurs cœurs s’embraser
Je teraconterai
L’histoire de ce roi
Mort de n’avoir pas
Pu te rencontrer
Refrain
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

On a vu souvent
Rejaillir le feu
De l’ancien volcan
Qu’on croyait trop vieux
Il est paraît-il
Des terres brûlées
Donnant plus de blé
Qu’un meilleur avril
Et quand vient le soir
Pour qu’un ciel flamboie
Le rouge et le noir
Nes’épousent-ils pas

Refrain
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas

Ne me quitte pas
Je ne vais plus pleurer
Je ne vais plus parler
Je me cacherai là
A te regarder
Danser et sourire
Et à t’écouter
Chanter et puis rire
Laisse-moi devenir
L’ombre de ton ombre
L’ombre de ta main
L’ombre de ton chien

Refrain
Ne me quitte pas
Ne me quitte pas
Ne me quitte pasNe me quitte pas

Victor HUGO (1802-1885)
Souvenir de la nuit du 4

L’enfant avait reçu deux balles dans la tête.
Le logis était propre, humble, paisible, honnête ;
On voyait un rameau bénit sur un portrait.
Une vieille grand-mère était là qui pleurait.
Nous le déshabillions en silence. Sa bouche,
Pâle, s’ouvrait ; la mort noyait son oeil farouche ;
Ses bras pendantssemblaient demander des appuis.
Il avait dans sa poche une toupie en buis.
On pouvait mettre un doigt dans les trous de ses plaies.
Avez-vous vu saigner la mûre dans les haies ?
Son crâne était ouvert comme un bois qui se fend.
L’aïeule regarda déshabiller l’enfant,
Disant : – comme il est blanc ! Approchez donc la lampe.
Dieu ! Ses pauvres cheveux sont collés sur sa tempe ! –
Et quand ce…