Jugement

TEXTE RÉVISÉ LE 16 SEPT. 2010

PROVINCE DE QUÉBEC GREFFE DE MONTRÉAL No 500-05-0005000-505

COUR SUPÉRIEURE

MONTRÉAL, LE 17 JUIN 2010

SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE JEAN NAIASSÉ

PIERRE QUIROULE MADELEINE LAPAUVRE-NARACHE (en sa qualité de légataire universelle et en sa qualité personnelle) et IRMA LABELLE Demandeurs c. HÔPITAL DU SALUT PUBLIC GÉRARD DÉSOSSÉ, M.D. SOPOR IFIQUE,M.D. EPIE DURALE et LES INFIRMIÈRES VOLANTES INC. Défendeurs

JUGEMENT

1.

Je suis saisi d’une poursuite en responsabilité civile totalisant 2 500 000 $. Le montant des dommages a été admis par toutes les parties sans préjudice cependant au débat sur la responsabilité de chacune.

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I. LES FAITS 2. Jean Narache est décédé le 13 juillet 2008 à l’Hôpitaldu Salut Public (ci-après l’hôpital), l’un des défendeurs à la présente action. Il était âgé de 58 ans, était associé à Pierre Quiroule dans une entreprise florissante. Il avait toutefois prévu de prendre sa retraite à 60 ans. 3. Le 12 juillet au soir, il ressent de vives douleurs à l’abdomen et décide à 2h00 du matin le 13 de

se rendre à l’urgence de l’hôpital. Celle-ci est particulièrementencombrée et l’infirmière, préposée au tri des patients demande à Jean Narache de patienter, puisque le service d’urgence doit s’occuper d’autres cas plus graves que le sien. 4. Vers 3h45 Jean Narache s’effondre dans la salle d’attente. Il est immédiatement vu par le Dr

Laventouse (bobologue) qui passait dans la salle et quittait l’hôpital après y avoir passé 19 heures consécutives. Celui-cidiagnostique une hémorragie abdominale massive. Le patient est dirigé vers le bloc opératoire. 5. Le chirurgien de garde est le Dr Gérard Désossé. Celui-ci a été engagé le jour précédent par

l’hôpital à la suite de la défection du chirurgien en titre. Il est normalement attaché au service chirurgical de l’Hôpital La Vie en Rose, mais à la suite d’un accord entre ces deux institutions, il a étéprêté à l’hôpital jusqu’à ce que celui-ci se retrouve un chirurgien permanent. 6. Avant de procéder à l’opération, le Dr Sopor Ifique, anesthésiste, consulte le Dr Désossé sur la

dose d’anesthésie qu’il convient de donner. Il suggère 140 mg, mais le Dr Désossé estime la dose très insuffisante et ordonne au Dr. Sopor Ifique d’administrer au patient une dose de 560 mg. 7. Vers 6h30, le patient estramené inconscient aux soins intensifs. Le Dr Sopor Ifique, qui a obéi à

l’ordre du Dr Désossé, est très inquiet parce qu’il pense que l’anesthésie était trop lourde et que le

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-3patient risque de ne jamais se réveiller. Toutefois, il estime ne pouvoir rester sur place pour en savoir plus puisqu’il est conférencier ce matin-là dans un congrès important. 8. À7h15, c’est l’affolement aux soins intensifs, puisque trois patients, dont Jean Narache, au

même moment requièrent des soins immédiats, étant tous dans un état critique. 9. Devant l’impossibilité absolue de traiter les trois à la fois, Madame Épie Durale, infirmière-chef,

décide de s’occuper d’abord les deux autres patients, puisqu’elle estime que, de toute façon, Jean Narache ne survivravraisemblablement pas plus de trois ou quatre jours. Il est en preuve qu’il n’existe pas à cet égard un protocole précis ou des normes fixées par l’hôpital. 10. Jean Narache décède à 7h29. Il est en preuve qu’il aurait normalement pu être réanimé et que

finalement ses chances de rétablissement, sans être excellentes, étaient relativement bonnes. II. LE DROIT A. La responsabilité 11. Je tiens àpréciser d’entrée que, depuis l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire Hôpital de

l’Enfant-Jésus c. Camden-Bourgault, [2001] R.J.Q. 832 (C.A.), les relations juridiques entre un patient et les hôpitaux, médecins, personnel infirmier ressortissent désormais exclusivement des règles de la responsabilité civile extracontractuelle (art. 1457 et s. C.c.Q.) qui s’appliquent donc au présent cas. 1] Le…